Session Plénière, Conseil Régional de Bretagne du 14 octobre 2022
Interventions sur le Plan Algues Vertes 3
Christine Prigent (EELV) et Goulven Oillic (Bretagne Ecologie)
Christine Prigent
Monsieur le président, Cher.es collègues
Ce troisième Plan Algues Vertes nous interpelle fortement par son manque d'ambition. Il n'est pas à la hauteur des enjeux et ne semble tirer que très peu d’enseignement ni des Plan Algues Vertes 1 et 2, ni du rapport de la Cour des Comptes ou du rapport sénatorial de Mr Delcros.
Des associations de protection de l'environnement ont manifesté leur profond désaccord avec ce plan, nous appelant à voter contre. L’une d’entre elles a même décidé d’en quitter le comité de pilotage. Des recours contre l'Etat pour préjudice écologique ont également été déposés.
Limitez les recours environnementaux serait une atteinte à notre démocratie. Ces recours sont portés par des riverains ou des associations environnementales reconnues d’intérêt général et non pas paysagistes comme cela a été dit hier dans cette assemblée.
Les impacts des algues vertes pour la Bretagne sont pourtant énormes : sur l'image, sur le tourisme, sur la biodiversité des baies mais aussi sur la santé.
On sait aujourd'hui que la putréfaction des algues vertes dégage de l'hydrogène sulfuré ayant un impact très fort sur les êtres vivants, pouvant conduire à la mort. Un protocole adressé au personnel de soins a d'ailleurs été mis en place par la Préfecture de région. Des capteurs d'air doivent être installés sur les sites concernés. Combien? Sur toutes les baies algues vertes? A ce sujet, nous réitérons notre demande d'augmentation de la dotation régionale à Air breizh et d’intégration du Conseil régional dans la gouvernance de cette structure.
Par ailleurs, nous trouvons incompréhensible que les associations de protection de l'environnement n'aient pas été associées à l'élaboration de ce plan au regard de leur expertise. Problème de méthode : Le Ceser n'a pas pu analyser en détail le dossier du fait d'un envoi trop tardif, ce qui nous a privés de ses retours et pose un problème de respect du travail d’une instance consultative régionale majeure.
D'autre part, nous réitérons notre demande d'inter-commission régionale sur le sujet des algues vertes proposée à la session de Juin. Il est important que les élus puissent avoir un suivi de la mise en place du Plan Algues Vertes, sujet majeur pour la Bretagne, tout en pouvant auditionner les acteurs.
Nous nous interrogeons également sur les zones hors du périmètre des baies qui sont touchées par le phénomène des algues vertes, comme les vasières, notamment en 56, ce qui avait été pointé par le rapport de la Cour des Comptes :
- Les comités régionaux de conchyliculture Bretagne sud et nord s'en inquiètent également
- Cette invasion d'algues en putréfaction menace la biodiversité auparavant très riche de ces sites et engage la responsabilité des communes qui refusent d'être intégrées au Plan Algues vertes. Quelle stratégie du Conseil régional pour embarquer ces collectivités réticentes qui pratiquent la stratégie de l’autruche ?
- Il y a plus de 10 ans, un laboratoire de la nécessaire réorientation de l’agriculture bretonne était prévu dans le document de cadrage du PLAV1…
Je terminerai par ces mots: "Ne faisons pas des marées vertes un cimetière mais faisons-en une opportunité pour réinventer notre modèle agricole breton"
Goulven Oillic
1. Un point positif : Une MAEC spécifique sur les algues vertes peut être intéressante. Espérons qu’elle fonctionne bien,
2. Les limites des démarches basées sur le volontariat expliquent notamment les échecs des 2 précédents plans. L’un des principaux points faibles du plan 3 : une mesure limitée aux seuls agriculteurs volontaires. L’objectif des 40% des agriculteurs des baies algues vertes engagés dans une forme de contractualisation (PSE/ MAEC) est incertain car sur la base du seul volontariat (2025). Quid des 60% restant ?
3. Sur les contrôles et les moyens de contrôles : Les moyens consacrés aux effectifs de contrôle ne sont pas augmentés…ça jouera forcément sur l’efficacité du plan, (on parle de 4 ETP à l’échelle de la Bretagne et de recourir à l’Interim)… c’est mieux que rien mais est-ce vraiment à la hauteur des enjeux ?!
4. Sur les taux de nitrate dans l’eau : Le rapport de la Cour des comptes indique que les rivières des bassins Algues Vertes n’ont pas baissé plus leurs concentrations en nitrate que les autres, et que l’effet spécifique des 2 premiers PLAV n’est pas visible.
Exemple sur Le bassin de l’Horn-Guillec, qui est passé de 57 mg / l en 2017 à 61 aujourd’hui avec pour objectif de passer à 50mg/l en 2027.
Quand le Conseil Régional écrit qu’il faut atteindre des concentrations en nitrate « bien inférieures à 25 mg/l pour circonscrire les échouages d’algues vertes », il ne tient pas compte des résultats des études de l’Ifremer qui disaient qu’il fallait descendre en-dessous de 20 mg/l pour commencer à voir une baisse des biomasses d’algues vertes et qu’il fallait viser les 10mg/l pour voir disparaitre la moitié des biomasses. 52% du territoire français est agricole (62% pour la Bretagne). En France, les concentrations annuelles moyenne en nitrate se situent entre 40 à 50 ml/litre sur 7% du territoire. Les 93% du territoire se situent en dessous.
5. Enfin, Quid de la désintensification agricole ?
Le problème ce n’est pas de gérer les fuites d’azote mais d’arrêter d’en produire. L’étude présentée par Solagro au Conseil Régional a montré qu’il faut deux Bretagne pour nourrir le cheptel breton. La question qui nous est posée à travers ce problème des algues vertes, c’est celle de l’accompagnement au changement de modèle agricole et la réduction du cheptel notamment dans les élevages hors-sol de monogastriques. (moins d'animaux, plus de fermes, plus de surfaces herbagères, plus de haies…).
La question qui est posée est aussi d’adapter le modèle agricole breton au changement climatique et faire avancer le bien-être animal en Bretagne. Sur l’accompagnement à la désintensification agricole, il n’y a pas grand-chose dans ce plan…signe que ce plan sera encore un échec.
Conclusion :
Suite aux rapports de la cour des comptes et celui de la commission des finances du Sénat, on aurait aimé y croire mais ce plan 3 est dans la continuité des plans 1 et 2 qui sont des échecs.
Les ambitions et moyens de ce plan ne sont malheureusement pas à la hauteur des enjeux.